Tag : les-pieges-du-futur
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En 1980, 7 ans se sont écoulés depuis la Planète sauvage. Malgré le succès du film, René Laloux n’a pas réussi à produire Gandahar, et porte un projet de série pour la télévision, « Les pièges du futur« . Voici ce qu’il advint….
Le projet est totalement dans l’air du temps: les programmes jeunesse se développent et, de Star wars a Galactica nous sommes encore en pleine période du « space age » auquel les dessins animés n’échappent pas. En 1981 par exemple, Ulysse 31, produit par la DIC et le studio Japonais TMS connait un succès mondial.
Or justement, quelque temps avant, durant l’été 1980, le dessinateur Adamov, qui a travaillé sur les décors du pilote de Gandahar (resté sans acheteurs) et sur Ulysse 31, parle à René Laloux du travail qu’il réalise sur Il était une fois l’espace du réalisateur/producteur Albert Barillé.
Les deux hommes, qui apprécient mutuellement leur travail, se rencontrent et René parle des « pièges du futur« ….quelques mois plus tard, Albert Barillé présente à la ZDF, qui coproduit il était une fois, le projet de Laloux. Josef Göhlen, directeur de l’unité jeunesse et à l’origine de Maya l’abeille et Vickie le Viking, est très intéressé, malgré le fait que la SF ne soit pas vraiment son fort.
Il faut dire que le Capitaine Flam vient de passer sur la ZDF – et c’est un des très rares animés 100% japonais à avoir réussi l’exploit de pénétrer en Allemagne depuis que Go Go Racer en 1971 a du être retiré en raison des protestations des éducateurs.
Josef Gohlen rallie le producteur Leo Kirch (déja derrière Heidi, Maya, Vickie) au projet, et « Les pièges du futur » est mis sur les rails. C’est, comme pour les autres animés coproduits par L. Kirch, la Nippon animation qui anime la série, et René Laloux fait sa valise pour s’installer à Tokyo. Les premiers temps sont difficiles et les relations orageuses. Face au rythme de travail et à l’organisation du studio, René Laloux a du mal à faire passer ses vues. Rapidement, on adjoint à Laloux un co-réalisateur maison, Isao Takahata pour un travail en tandem. L’entente est excellente, et les deux hommes se divisent le travail.
La série, une semi-anthologie, prend quelques libertés avec l’oeuvre de Wul, et les adaptations des romans auront un héros récurrent : Jaffar, son vaisseau et son équipe sont développés pour satisfaire aux exigences de Bandai. Le character design doit aussi trouver un compromis entre le graphisme de Moebius, finalement retenu, et ceux des japonais. Shingo Araki est, comme pour Ulysse 31, appelé a la rescousse.
La série sort finalement en 1983, 10 ans après la Planète sauvage. Des jungles des pièges de Zarkass au Temple du passé, de la Peur géante à l’orphelin de Perdide, l’adaptation des romans de Wul sérialisés rencontre un immense succès en Europe, et dans une moindre mesure au japon. Conjuguant périls échevelés et beauté exotique vénéneuse des planètes et de leurs habitants, plus une touche contemplative, la série fait date. Ce sera le début d’une longue collaboration de René Laloux avec les Japonais, notamment au sein du studio Ghibli avec Gandahar et surtout Les enfants de la pluie, qui, avec Akira, marque le début de la reconnaissance de l’animation japonaise (et de l’animation tout court ?) en Europe.
Bien sûr, rien de cela n’est vrai. Quoique: tous les films cités existent, ou ont été des projets de René Laloux, et les personnes comme le contexte sont réels. J’ai seulement essayé d’imaginer une meilleure destinée aux œuvres de Réné Laloux – ce « Myazaki » français. Car à bien y réfléchir, c’est la réalité telle qu’elle est qui parait presque la moins probable. Alors que La planète sauvage décrochait le prix du Jury à Cannes en 1973, alors que Goldorak, Albator et le Capitain Flam sévissaient à la télé quelques années plus tard, René Laloux, comme il le dit lui même, restait persona non grata à la télévision française….encore plus étrange, en 1986, un projet de série télé animée française, basé sur des dessins de Druillet, est porté à bout de bras par les pouvoirs publics. Mais Bleu l’enfant de la terre se termina en un retentissant fiasco financier et artistique, faute notamment d’une direction cohérente. Quand on connait la pugnacité de Réné Laloux pour faire aboutir ses longs métrages, que ce soit dans les studios Tchèques, Hongrois ou Coréens, on se dit que les pouvoirs publics auraient été bien inspirés de se tourner vers lui et pas seulement en raison de la reconnaissance artistique dont il jouissait.
J’ai donc donné une chance à Laloux, pas si improbable que cela, celle de bénéficier du coup de pouce et des réseaux de A. Barillé, bien plus avisé sur le plan commercial, chasseur patient et confirmé de soutiens internationaux pour boucler les budgets des il était une fois. Laloux n’étant pas le bienvenu à la télé française de l’époque (et jusqu’à sa mort), il aurait pu avoir ainsi sa chance avec la ZDF, au demeurant activement productrice, et contrairement a TF1/A2/FR3, adossée à un producteur attitré, à une époque ou dessin animé et SF avaient le vent en poupe.
Le reste n’est pas si fantaisiste que cela non plus. Les maîtres du temps faisaient bien partie au départ d’un projet de série télé, basé sur les romans de Wul, et intitulé « les pièges du futur ». Le Capitaine Flam a bien été un succès outre-Rhin. Laloux est bien passé à la ZDF (photo 1), et il a bien reçu un certain accueil au Japon, au festival de Tokyo en 1988 puis d’Hiroshima ( photo 2, avec Go Nagai, le créateur de Goldorak).
Quoi qu’il en soit, Les pièges du futur reste une formidable occasion manquée, une machine à rêver pour les amateurs de l’oeuvre de Laloux et pourquoi pas, un projet plus valable que jamais, dont j’ai au demeurant ébauché la façon dont il aurait pu s’adapter aux contingences économico-narratives, avec le soutien technique et artistique des Japonais. Attendez-vous donc à ce que je vous reparle des Pièges du futur….
Crédit photo: photos personnelles de René Laloux, avec l’aimable autorisation de H. Choukroun.
Il y a peu, l’éditeur Ankama a eu la bonne idée de mettre enfin en image (en BD) l’ensemble des récits de Stefan Wul, météore de la Science Fiction française dans les années 50 (avec un retour dans les années 70) et bien sûr inspirateur de deux des trois films de René Laloux. La premiere rencontre que j’ai eu avec ces volumes a été en demi teintes…
L’album (je n’ai lu que le premier) consacré à Oms en série laisse une impression mitigée, avec du bon, mais un manque de souffle diffus.
La comparaison était de toute façon difficile avec la planète sauvage et le graphisme semble d’ailleurs vouloir prendre le parti pris de se différencier avec une sorte de ligne claire assez réussie, comme le montre la très belle couverture. Pour le reste, on ne sait si cela tient au découpage sage très franco-belge, mais on est loin de respirer l’exotisme extra-terrestre du roman, rendu à sa façon sinon magnifié par le dessin animé. Même la violence du propos est affadie, traduite façon « bouillie de sang » alors que la violence réelle est dans le statut de l’être humain sur cette planète, et son aliénation. L’ombre de l’esthétisation de la violence propre aux jeux vidéo plane sur l’oeuvre.
Mais quand même. Rien que la couverture fait rêver, et certains dessins laissent imaginer une version animé (sans e, style nippon) dopée au drama, qui aurait aussi pu être une voie d’adaptation…
Pour ceux qui ne le connaissent pas, le roman met en scène deux agents terriens sur une planète exotique, sorte de protectorat, aux prises avec une race extraterrestre expansionniste qui vient jouer sur leurs plates bandes…un roman d’aventures échevelées, hautes en couleurs, avec de l’action un brin picaresque, des rebondissements et de l’émerveillement, jusqu’au dénouement.
Or dans cette adaptation, bien loin de nous dépayser nous remmène au brouhaha médiatique actuel. Les auteurs ont en effet transformé les héros du roman en femmes travesties/ transgenres, portant poitrine fournie ET barbe (ajoutons que les femmes en question sont, comme c’est souvent le cas dans la BD, des stéréotypes fantasmés dessinés par des hommes). Difficile de comprendre ce que ça apporte au roman.
Oui, l’oeuvre de Stefan Wul est écrite dans les années 50 : on y trouve la perception du français moyen de l’époque, version éclairée. Ses œuvres, et particulièrement celle-ci sont des histoires d’aventures coloniales à peine travesties de SF.
De même que les auteurs de la BD n’ont pas su quoi faire de l’archétype des baroudeurs de la jungle, on les sent embarrassés avec ce type de récit.Peut être est-ce la raison d’une certaine platitude et du refuge dans un humour caca-boudin qui consternera tous ceux qui connaissent le gout de Wul pour les alexandrins et l’émerveillement un peu enfantin qu’il cherchait à produire chez le lecteur.
Il n’est pas dans mon propos de vanter un quelconque « mérite » de la colonisation, mais de prendre de la distance avec les valeurs, les nôtres et celles de l’époque, et d’être capable d’en extraire ce qui nous parle encore aujourd’hui. Mais ceci est une autre histoire (bientôt….)
Au final, embarras général avec une oeuvre incomprise, chute ou complaisance dans un certain présentéisme superficiel , oubli du « sens of wonder »….. Pièges sur Zarkass est un coup dur, alors que Oms en série tient encore bien la route . C’est d’autant plus dommage que l’intention est louable, et que WUL,ce peintre des ambiances aliens, est pour moi, comme beaucoup, l’ un des plus grands écrivains de SF français, malgré (ou grâce à) son absence de prétention, et qui ,quoiqu’on en dise, tient mieux que jamais la route.
Pour etre constructif dans ma critique, je détaillerai dans un prochain article quelle aurait pu être la (une) façon de rebondir sur cet embarras et de rendre l’oeuvre plus actuelle que jamais.
Rappelons en effet que, avant de devenir le long métrage que l’on connait, Les maîtres du temps faisaient partie, dans le projet initial de Laloux, d’une série pour la télé reprenant l’ensemble des romans de Wul, interprétés chacun par un des grands dessinateurs de l’époque.
Cela doit en faire rêver plus d’un…le titre lui-même (« les pièges du futur ») a un merveilleux parfum de cet âge d’or du Dessin animé de SF, quelque part entre les Maitres du temps, Bandar book, Ulysse 31, il était une fois l’espace et autres Capitaine flam. Je ne ferai donc rien de moins qu’ébaucher ce que pourrait être une adaptation de Wul en dessin animé, aujourd’hui…
Crédit images: couvertures des albums concernés. Tous droits réservés Ankama.
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